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 Dans ma maison de papier, j'ai des poèmes sur le feu

de Philippe Dorin

Éditions – L'Ecole des loisirs / collection Théâtre

Création Jeune Public 2021
Tous publics à partir de 8 ans 

 

Mise en scène / Lumière / Scénographie / Costumes

Christophe LAPARRA

 

Dramaturgie / Collaboration artistique

Marie BALLET

Interprétation

Marion AMIAUD

Christophe LAPARRA

Patricia VARNAY

Musique live / Bruiteur / Régie son

Xavier BERNARD-JAOUL

Conseiller lumière

Bruno BESCHERON

Couturière

Emmanuelle LAMBERT

Visuel Dorin.jpg

© Matthieu Fayette

Production

Théâtre de Paille 

Coproduction 

Centre Culturel La Courée à Collégien 

Subventions

Drac des Hauts-de-France

Conseil Régional des Hauts-de-France

Conseil Départemental de L'Oise

Ville de Beauvais

Un projet mené en partenariat avec l’Amin Théâtre – Le TAG à Grigny

© Clément Soyer

Le texte

 

Résumé

Une petite fille construit sa maison imaginaire. Deux minutes plus tard, elle est devenue une vieille dame. mais elle porte toujours ses chaussures d'enfant. C'est l'heure de mourir, annonce le promeneur. Déjà ? Laisse-moi juste le temps d'une pensée. Je dois retourner rendre ses chaussures à la petite fille. Le promeneur accepte. Mais la petite fille retient la vieille dame, allume sans cesse la lumière, elle ne doit pas, c'est dangereux, car le promeneur revient.

 

Dédicace (extrait)

J'ai écrit en partie cette histoire hébergé dans une classe du 11ème arrondissement de Paris, pendant un mois. Ainsi, chaque matin, je me suis rendu à l'école comme les autres élèves et, comme eux, je me suis installé à la table qu'ils m'avaient préparée au fond de la classe. Pendant qu'eux suivaient la leçon de leur maître sans rien changer à leurs habitudes, moi, je tentais de recréer l'intimité de mon bureau pour écrire.

 

Épigraphe

Tous les enfants sont à l'intérieur d'une vieille personne, mais ils ne le savent pas encore.

 

Personnages

Une petite fille - Une vieille dame - Un promeneur

 

Début du texte

Plateau nu. Éclairage de service. Un promeneur passe en fredonnant. Il sort

Une petite fille entre.

LA PETITE FILLE : Là, c'est la porte. Là, c'est le couloir. Là, c'est la cuisine. Là, c'est la table.

Là, c'est la chaise. Lui, c'est mon petit frère. Pousse-toi !

Là, c'est la fenêtre. Derrière, c'est la mer. Non, c'est la montagne. Non, c'est le désert. Non !

Derrière, c'est juste un petit pré, avec des moutons, un berger et son chien.

Là, c'est le salon. Là, c'est le tapis. Ça, c'est mes chaussures. Là, c'est le fauteuil.

Ça, c'est moi qui attends.

Elle s'assoit.

Un temps.

Éteins !

 

Noir.

 

On entend fredonner le promeneur.

 

VOIX DE LA PETITE FILLE : Allume !

 

La petite fille est devenue une veille dame.

 

LA VIEILLE DAME : Déjà ? Comme elle est venue vite, la nuit ! À peine le temps d'une pensée, et le jour a passé. Où étais-tu pendant cet éclair ? Comme elle est devenue petite, ta maison, ma vieille, tout à coup ! Comme t'es devenue vieille, ma petite, soudain ! À peine le temps d'y voir et, déjà, il fait noir.

Bonne nuit, moutons ! Bonne nuit, berger ! Bonne nuit, chien ! Bonne nuit, fenêtre ! Bonne nuit, porte, table, chaise, tapis, chaussures !

Elle s'allonge.

Bonne nuit, toi !

Éteins !

 

Noir.

 

P. Dorin, Dans ma maison de papier, j'ai des poèmes sur le feu

© Matthieu Fayette

« C’est peut-être ça, le détour de l’enfance, d’être toujours à côté du sujet principal, de regarder toujours ailleurs que là où on devrait. C’est ça aussi, la métaphore, que l’essentiel ne soit jamais dit. »

Philippe Dorin - Table ronde autour des écritures théâtrales jeunesse - Théâtre de la Ville [avril 2013]

avant-propos

En mettant en scène Dans ma maison de papier, j’ai des poèmes sur le feu de Philippe Dorin, je poursuis mon travail sur l’enfance meurtrie, thème présent dans toutes les précédentes créations jeune public de ma compagnie : La petite histoire d’Eugène Durif, Le Petit Poucet de Caroline Baratoux et L’Ogrelet de Suzanne Lebeau. Dans ce texte, une vieille dame vient dire au revoir à la petite fille qu’elle était. La petite fille essaie de retenir la vieille dame en allumant sans cesse la lumière comme pour reculer toujours plus l’instant de la mort. Elle essaie de la retenir à force de mots et d’histoires, mais la Mort rôde, sous les traits du Promeneur, qui vient rappeler à la vieille dame qu’il est l’heure. Dorin nous raconte ici une histoire de transmission et de deuil, mais, en utilisant une langue puissamment poétique qui s’invente en même temps qu’elle s’écrit, il nous place aussi au coeur même de l’acte de création. Une pièce qui interroge avec humour ces thèmes et construit sa dramaturgie en recourant à la figure du double, à l’ellipse stylistique et au jeu sous de multiples formes (jeux de mots, jeux d’enfants, etc...).

 

L’écriture de Dorin est tout en évitements, détours, allusions plutôt que frontalités et évidences. Elle évite ainsi tous lieux communs, toute banalisation, toute quotidienneté et crée une langue poétique et singulière. Philippe Dorin invente et précise son écriture de pièces en pièces. C’est une écriture dramatique qui, comme le dit très justement le chercheur Nicolas Faure, joue des pleins et des vides, de ce qui est montré et de ce qui est laissé à l’imagination du spectateur. À la charge du lecteur, du spectateur et, bien sûr, du metteur en scène de cerner, sans le résoudre, le non-dit à partir du dit pour reprendre à nouveau les mots de Nicolas Faure.

 

La figure du double Dans ma maison de papier, j’ai des poèmes sur le feu ouvre au fantastique et à la polysémie. Ici, l’héroïne n’est pas uniquement confrontée à un double physiquement identique et qui mettrait en lumière une part spécifique d’elle-même (comme dans Le Double de Dostoïevski par exemple où le héros est mis en présence de sa part d’ombre). Dorin fait le choix de mettre son héroïne en présence de son double âgé au moment même de sa mort (la mort étant personnifiée par un personnage énigmatique dénommé Le Promeneur). Jusque dans le choix des noms qu’il attribue à ses personnages, Philippe Dorin affirme, sans équivoque possible, ce choix d’un double générationnel. 

Ainsi au personnage nommé « une petite fille » répond en miroir (déformant) le nom de son double « une vieille dame ». En jouant du dédoublement de sa jeune héroïne, Philippe Dorin invite donc le lecteur ou le spectateur à s’interroger sur sa vie, son devenir, à regarder la mort en face, à la questionner. Ce qui est saisissant et vertigineux dans cette pièce c’est le choix que fait Philippe Dorin de renoncer à une identification univoque de ce double. La vieille dame est indifféremment l’héroïne âgée, la grand-mère de celle-ci ou encore sa mère. Elle incarne toutes les possibles figures maternelles. La figure maternelle étant la part manquante de cette pièce, la figure absente jamais nommée et dont la petite fille doit vraisemblablement faire le deuil.

 

Le personnage du Promeneur est à la fois un personnage à part entière et le double de l’auteur. Le nom du personnage (tout comme le titre de la pièce) est révélateur du positionnement de Philipe Dorin en tant qu’écrivain qui pourrait être défini, me semble-t-il, comme un écrivain qui chemine (non seulement de pièce en pièce mais dans chacune de ces pièces, je veux dire à l’intérieur même de ses pièces). Il est courant de dire à propos d’un auteur que tout part de la page blanche. Concernant Philippe Dorin, je dirai que tout part du papier et de l’encre, de l’encre sur le papier, de l’incidence de l’encre sur le papier, des caractères formés par cette incidence, de la matière que produit cette incidence, à savoir des mots, une langue, du sens. L’écriture se fait donc au présent, s’invente dans l’instant, l’immédiateté. Elle part de la matière des mots tracés à l’encre noire sur du papier blanc. Cela ne l’empêche nullement d’être pensée et construite. Simplement, elle provient de ce qui lui précède, préside à sa création et résulte d’un constant va-et-vient entre une intuition poétique première et sa réalisation concrète qu’est l’acte d’écriture lui-même. Je parle, ici, du travail de la main de l’auteur qui façonne son écrit comme l’artisan façonne sa pièce. L’auteur a des outils et des matériaux qui lui sont propres et avec lesquels il travaille comme tout artisan : du papier, des stylos, de l’encre, son imaginaire.... Il a également un lieu de travail, un atelier d’écriture. Et si pour Philippe Dorin ce lieu peut être mobile, transitoire (comme une salle de classe), il n’en constitue pas moins, à chaque fois, une maison, en l’occurrence une maison de papier dans laquelle il peut inscrire ses poèmes d’encre. Et des poèmes, Philippe Dorin en a toujours un sur le feu. C’est pourquoi, il construit sans cesse des maisons de papier dans lesquelles il chemine à son gré. Chacune d’elle est un poème qu’il écrit au présent, qu’il invente sur l’instant, qu’il rature et reprend à l’envi, qu’il transforme en boules de papier juste avant de poser les fondations d’une nouvelle maison d’écriture tout aussi fragile et éphémère que la précédente. 

Il me faudra donc être au même endroit de présent, d’immédiateté, d’instantanéité dans mon travail de transposition de cette pièce sur le plateau d’un théâtre. Pour cela, il me faut faire l’inventaire des outils propres à mon artisanat : un texte, un espace vide, des corps et des voix d’acteurs... s’y ajoutent deux outils secondaires : la lumière et le son. Il me faut également tenir compte d’un dernier élément : mon univers, mon imaginaire. À partir de là, je peux commencer à me mettre au travail.

Christophe Laparra

Note d'intention

 

Sans être dans une transcription littérale du titre de la pièce je souhaite utiliser le papier dans mon approche scénographique de cette oeuvre. Je veux, au même titre que l’auteur de la pièce, l’utiliser comme matière et support pour inventer les formes, les volumes et les espaces de jeu en utilisant de grands rouleaux de papier kraft blanc. Le papier kraft, matière pauvre et brute, est le support idéal pour créer l’espace scénique propre à ce texte que je veux progressif, indéfini, éphémère, fragile, plastique et poétique. Les deux actrices inventeront et moduleront continuellement l’espace en manipulant en direct le papier donnant l’impression que tout naît de lui, que c’est lui qui insuffle le mouvement de l’histoire, des corps, des lumières, des objets. La manipulation du papier produira un univers sonore en direct qui pourra être enregistré, amplifié, transformé, accompagné par le musicien/régisseur présent sur scène. La manipulation en direct d’une matière aussi plastique que le papier renverra l’enfant au plaisir qu’il éprouve lui-même à la découper, la coller, la plier, à écrire ou à dessiner dessus.

L'écriture dépouillée et teinté d'humour de Dorin fait référence à celle de Beckett. Cette pièce, sa dédicace et son épigraphe, m’évoquent La classe morte de Tadeusz Kantor. Aussi, le personnage du Promeneur, figure de la mort qui ouvre la pièce, arrivera-t-il en traînant derrière lui à l'aide d'une corde, tel un camelot ambulant, un chariot bricolé à partir d'une vieille estrade d'école en bois sur laquelle le musicien sera assis et où seront empilés pêle-mêle des éléments épars : une caisse en bois, trois chaises en paille (dont deux pour enfant), une lampe et de grands rouleaux de papier blanc. Tous ces éléments trouveront leur place dans l'espace au fur et à mesure de la représentation.

Les personnages de La petite fille et de La vieille dame auront chacun une petite servante de théâtre mobile qu'ils allumeront, éteindront, déplaceront au gré des scènes et de l'action. Cette servante sera pour eux comme une veilleuse, une sentinelle, une Ghost Lamp comme disent les Anglais, en référence aux fantômes qui hantent le théâtre quand il se vide. Leurs costumes, deux robes blouses bleues mi-longues, seront quasiment identiques. À cette différence près que celui de La vieille dame sera peut-être un peu plus usé, un peu plus poussiéreux. Marque du temps qui a passé.

Plusieurs micros seront disposés sur le plateau sonorisant la voix des acteurs lorsque leurs personnages fredonneront ou chanteront.

L’affirmation des éléments techniques répond à la nécessité d’écrire au plateau et de faire sens avec le matériau métathéâtral contenu dans le texte.

Christophe Laparra

« Le théâtre, c’est comme pour voir une biche dans la forêt, il faut être là au moment où ça se passe.»

Philippe Dorin, Itinéraire d’auteur n° 9: Philippe Dorin, Centre national des écritures du spectacle – La Chartreuse, 2006, p.56.

« Les scènes m’arrivent dans le plus grand désordre. Elles se contredisent sans cesse. Les personnages ne racontent jamais la grande histoire. »

Philippe Dorin - Table ronde autour des écritures théâtrales jeunesse - Théâtre de la Ville [avril 2013]

L’auteur

 

Né en 1956, Philippe Dorin écrit depuis plus de 30 ans, essentiellement du théâtre pour les enfants, mais ce n’est que depuis 20 ans qu’il se sent un véritable écrivain. Depuis sa rencontre avec Sylviane Fortuny avec qui il fonde la compagnie Pour Ainsi Dire en 1997. Ensemble, ils créent une douzaine de spectacles dont L’hiver, quatre chiens mordent mes pieds et mes mains qui a reçu en 2008 le « Molière du spectacle jeune public », et se forge une identité forte au sein du paysage du théâtre jeune public en France. La compagnie est conventionnée avec la Drac Ile de France depuis 2009. Depuis 2012, elle mène des collaborations à l'international avec La Réunion, le Québec, l'Espagne et la Russie où elle recrée une version franco-russe d'une création de son répertoire en 2014 : Ils se marièrent et eurent beaucoup. Son dernier spectacle Le chat n'a que faire des souris mortes a été créé en novembre 2017 au TGP, centre dramatique national de Saint-Denis où la compagnie est en résidence pendant deux ans, en convention avec le CD93.

 

Depuis 1999, Philippe Dorin travaille aussi avec d’autres compagnons metteurs en scène : Ismaïl Safwan (Flash marionnettes), Michel Froehly (Cie L’Heure du Loup), Thierry Roisin (Comédie de Béthune – cdn), Xavier Legasa (Cie Le Carrosse d'Or), etc ... pour lesquels il écrit des textes qui ne sont pas uniquement destinés aux enfants.

 

Ses pièces sont montées par beaucoup d’autres compagnies en France et à l'étranger.

 

En 2004/05, il est auteur engagé au Théâtre de l’Est parisien.

 

En marge de son travail d’écrivain, il écrit aussi des histoires qui ne tiennent pas dans des livres, à partir de boulettes de papier, de sable, et de petits cailloux blancs, à l’occasion de résidences et sous la forme d’ateliers d’archéologie poétique (Médiathèque de Guérande en 2003, la Chartreuse en 2006, La Réunion en 2008), afin de prolonger, au-delà des mots, l’univers rêvé de l’écriture.

 

Il est Président du Jury du Prix d’écriture théâtrale de la Ville de Guérande 2009.

 

Bibliographie sélective

Le chat n'a que faire des souris mortes 2017

Courte longue vie au grand petit roi 2017

Dans la vie aussi, il y a des longueurs 2015

Sœur, je ne sais pas quoi frère 2013

2084 2012

Abeilles, habillez-moi de vous 2010

L'hiver, quatre chiens mordent mes pieds et mes mains 2008

Les enchaînés 2007

Le Monde point à la ligne 2007

Ils se marièrent et eurent beaucoup 2005

Dans ma maison de papier, j'ai des poèmes sur le feu 2002

En attendant le Petit Poucet 2001

Un oeil jeté par la fenêtre 2001

Sacré silence ! 1997

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